Toutes les possibilités d'une île

Publié le par Léthée

L'île est un film de Kim Ki-Duk, sorti en 2001. Soit, 3 ans avant la sortie de Printemps, été, automne, hiver... et printemps.  Ce dernier m'avait beaucoup plu, voir la note ici. Aussi, lorsque j'ai vu le début de L'île, je n'ai pas été surprise de voir les lieux : une jeune femme mystérieuse reçoit un hôte dans son campement. Son campement n'est pas un lieu comme les autres. Il s'agit d'une sorte de camping, oui, mais sur l'eau. Elle accompagne les locataires sur une barque au milieu d'un grand lac, jusqu'à leur campement : ils peuvent choisir la couleur de leur choix, si elle est libre. Comment est constitué le campement ? Il s'agit tout simplement de petites maisons de 4 m2 tout au plus, posées sur des radeaux de 9 ou 10 m2. Ces radeaux sont ancrés à quelques dizaines de mètres de la rive, lieu d'accueil.
L'hôte dont il est question au début du film se réfugie ici parce qu'il a tué sa femme et son amant. C'est également le cas du jeune homme qui revient auprès de son maître dans Printemps, été..
L'action se déroule donc comme dans un huit clos, mais à l'air libre, et plus particulièrement sur l'eau. Peu à peu, on s'aperçoit que l'eau est à la fois source d'inquiétude, source de repos (puisqu'on s'y isole), l'endroit où l'on jete ses déchets (y compris les matières fécales), l'endroit où l'on se cache mais celui aussi où l'on est épié, l'endroit où l'on revit comme l'endroit où l'on meurt. Finalement, l'eau ne cache bien que les morts.. et encore !
C'est un film violent, où je n'ai pas pu apprécier tous les symboles. La maison choisie par le jeune homme est jaune : chez les Coréens, et notamment dans les arts martiaux, c'est la
couleur du premier rayon de soleil. Il va rencontrer l'amour, un amour bien particulier puisqu'il sera fait de désir, mais aussi de pulsions de mort, des deux côtés. La maison sera repeinte, plus tard. Mais on ne repeint pas le soleil, et s'il ne veut plus briller, on ne peut pas changer sa volonté.
C'est le second film de Kim Ki-Duk que je regarde. Le premier, qui donc, a été fait 4 ans après, était pour moi d'un esthétisme, d'une beauté, d'une poésie sans précédents.
Celui-ci, de 3 ans plus ancien, semble être le pendant de l'autre, le brouillon ? en tout cas un frère dont les thèmes se rapprochent en une seule saison trop violente, trop absolue. Bien sûr, je peux comprendre la poésie qui en ressort : l'idée de trouver l'amour (même si c'est un amour à mort) dans la fuite, dans l'exil, dans l'isolement, sur les flots noirs, froids et lugubres d'un lac entouré par la forêt et les montagnes.. argh ! Mais certaines scènes m'ont véritablement empêché de suivre le fil comme je l'aurais voulu, tant elles étaient violentes. C'est un film qui bouscule, et qui a sans doute de grandes qualités : certainement celle, avant tout, de nous faire découvrir
un univers poétique bien particulier. Mais que je ne peux pas apprivoiser comme ça.
Une chose demeu
re cependant assez impressionnante chez ce réalisateur, c'est sa capacité à montrer des choses qu'on ne voit nulle part ailleurs. Lorsque la jeune femme regarde sous l'eau, telle une gorgone, la caméra prend le plan de SOUS l'eau. C'est un plan magnifique. La caméra se place dans l'eau qui reçoit également les déchets humains, la mort... nulle part ailleurs j'ai vu une telle efficacité dans la manière de placer le spectateur là où il aimerait justement ne pas se trouver. Cela fait appel à une subjectivité presque jamais convoquée en regardant un film.
Par ailleurs, le monde semble vraiment prendre ses distances avec les repères que nous lui connaissons : dans l'autre film, seules restaient les portes, et même si elles étaient dépourvues de leurs cloisons, il fallait passer par elles. Dans ce film, la vie et l'habitation flottent, et il semble que les gens du dehors viennent d'un ailleurs totalement inconnu, ou oublié. IL n'y a plus de limites dans la manière de voir et de s'approprier autrui.
Il me reste plein de films de l'auteur à voir, et je les verrai. Certainement cette année.
Si quelqu'un a vu ce film et peut m'en donner les clés, je suis preneuse !
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